C’était une paresseuse journée de printemps. Les collines, au loin, étaient bleu de Chine et mille parfums palpitaient dans la lumière aussi pure qu’un cristal. Les puissances secrètes des profondeurs sourdaient dans les jeunes sèves et quatre chênes séculaires régnaient, prestigieux.

J’avais franchi la porte interdite et je restai là, ébahie, à regarder poindre l’aube de ma vie.

Je savais désormais où je voulais vivre et que, ce lieu que je découvrais me conduirait très loin en moi-même.

Il me restait à tisser infiniment l’étoffe de mes rêves pour que, de toutes ces merveilles, naisse un jardin.

Que de fois ai-je emmêlé mes fils avant d’apprendre à assortir mon intime bigarrure à la chatoyance du monde ; avant que, comme la vague bondissante s’apaise en caresse de soie, le jardin dévoile sa béatitude.

De l’union des contraires naît l’harmonie.

Cette idée a  présidé à la création du jardin. De l’évanescence primitive du rêve à l’énergie fécondante de la lumière, toutes les facettes de l’être cherchent l’accord avec le chant du monde et sans doute serais-je restée à jamais silencieuse sans ce jardin, cadeau, quotidiennement renouvelé, de Philippe, mon compagnon, mon époux, mon ami et dont je tâche chaque jour d’être digne.

Michèle Denys-Manson

  Tiré de « La Mansonière », Sonia Lesot, « Noctuelles Editions »